L'alcoolisme, un problème de santé publique

Le congrès mondial contre le cancer qui a eu lieu à Paris début novembre, a mis en avant les chiffres alarmants de l’alcoolisme en France, responsable de 700 000 nouveaux cas de cancers, chaque année, dans le monde. Pourtant, il n’est pas considéré comme un problème de santé publique.

Le congrès mondial contre le cancer qui a eu lieu à Paris début novembre, a mis en avant les chiffres alarmants de l’alcoolisme en France, responsable de 700 000 nouveaux cas de cancers, chaque année, dans le monde.

D’après les chiffres du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) présentés au congrès mondial contre le cancer qui a eu lieu à Paris du 1er au 3 novembre, l’alcool est un véritable problème de santé publique et la majorité des citoyens ignore qu’une consommation excessive peut être à l’origine de certains cancers comme ceux de la bouche, du larynx et du pharynx, de l’œsophage, colorectal, du sein, du foie.

Les chiffres de l’alcoolisme

L’alcoolisme est la deuxième cause de cancers évitables, d’après l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Il est responsable de 700 000 nouveaux cas de cancers chaque année dans le monde. En France, il est responsable de 10 % des décès par cancer, soit environ 15 000 décès chaque année.

D’après l’Institut national du cancer (InCa), la consommation d’alcool en France était estimée à 11,6 litres d’alcool pur par habitant en 2013, soit environ 2,5 verres de 10 g d’alcool par jour et par habitant. En baisse par rapport au début des années 1960 (26 litres d’alcool pur par habitant/an), cette consommation demeure néanmoins l’une des plus élevées en Europe et dans le monde.

Par ailleurs, près d’un adulte sur deux consomme de l’alcool au moins une fois par semaine et 10 % chaque jour, en particulier les plus de 50 ans. Les plus jeunes consomment moins régulièrement mais de façon plus excessive et ponctuelle, avec des épisodes d’ivresse (« binge drinking »).

Ces résultats connus depuis longtemps, n’étonnent pas les spécialistes. L’alcoolisme est un fléau similaire à celui du tabac en termes de santé publique.

Dans son livre L’alcoolisme est-il une fatalité ?, Philippe de Timary, professeur au service de psychiatrie des Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles (Belgique), explique les logiques biologique, affective, neurologique et sociale qui peuvent conduire une personne à développer une dépendance à l’alcool. Mais, il défend surtout l’idée que ce n’est pas une fatalité si l’ensemble des intervenants (patient, entourage, soignants), ne se laissent pas tomber dans la résignation.

L’alcoolisme est-il une maladie ?

Oui sans hésiter, répond fermement Philippe de Timary dans son ouvrage. Même si l’alcool jouit d’une image festive, culturelle, surtout en France. De nombreux alcooliques ne se sentent pas malades (les psychiatres parlent de déni) et donc ne demandent pas de prise en charge ni encore moins de soins. Seules 5 à 20 % des personnes alcooliques reçoivent des soins appropriés. Pourtant, cette véritable maladie fait d’immenses dégâts.

« Nous sommes parfois très surpris, comme soignants, de rencontrer une personne qui nie avoir bu ou qui prétend ne pas consommer exagérément alors que n’importe quel regard extérieur porté sur sa situation permet de suspecter une dépendance sévère. » remarque Philippe de Timary dans sa pratique.

Traiter la problématique de l’alcoolisme

Il ne faut pas se voiler la face, l’alcoolisme est un véritable problème de santé publique. Dans son livre, Philippe de Timary remarque qu’il serait indispensable d’agir sur plusieurs niveaux simultanément, c’est-à-dire à la fois de mieux sensibiliser le public aux risques liés à la consommation d’alcool, mieux organiser la prise en charge médicale, mais aussi mieux former les soignants, dé-stigmatiser l’alcoolisme et faire confiance aux personnes alcooliques elles-mêmes ainsi qu’à leur entourage.

Pour le psychiatre, traiter l’alcoolisme se fait nécessairement par un « objectif d’abstinence complète » au moins pour les personnes qui présentent une dépendance sévère. C’est un choix difficile et courageux de la part du malade mais il n’y a pas de recette miracle. « Il faut absolument éviter une attitude de jugement. » Le sevrage est le tournant décisif. Le suivi psychothérapeutique  en consolidation permettra au patient de renouer avec sa fragilité émotionnelle et l’aider à trouver des réponses personnelles aux difficultés du quotidien sans recourir à la boisson.

L’originalité de la démarche du psychiatre Philippe de Timary et de son équipe, est d’hospitaliser le patient pour des séjours de deux fois une semaine entrecoupés d’une semaine de retour à domicile, au cours de laquelle ils se confrontent à leur propres aptitudes à se passer de boissons alcoolisée. Cette unité est ouverte à l’extérieur, le patient n’est pas enfermé ni isolé contrairement à d’autres protocoles de soins.

L’alcool fait plus de dégâts chez les femmes

Aujourd’hui, en France les femmes boivent autant que les hommes, mais les dégâts sur l’organisme sont plus importants, d’après une étude paru dans le journal britannique Bmj (en anglais).

Pourquoi ? Les organes étant plus petits, les dégâts sont tout de suite visibles surtout sur le foie. D’autre part, elles  dissimulent plus facilement et plus souvent leur consommation d’alcool que les hommes en partie parce que cette pratique est moins bien acceptée socialement pour les femmes et considérée comme plus honteuse.

En revanche, elles consultent plus rapidement que les hommes, quelquefois pour un autre prétexte : fatigue, dépression…

A lire : L’alcoolisme et-il une fatalité ? de Philippe de Timary, éd. Mardaga, 18 euros.