Bien manger, une question d'équilibre

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La viande, le gluten, le sucre, le gras… seraient mauvais pour la santé. Les messages sur l’alimentation sont souvent alarmistes ou contradictoires et nous font perdre le sens commun.

Manger, un facteur de risques ?

La nourriture industrielle
Maladies cardio-vasculaires, obésité, diabète, la malbouffe est un fléau pour la santé. Fromages bourrés d’additifs, miel frelaté, piment broyés aux crottes de rat, thé aux pesticides, lentilles assaisonnées à l’huile de moteur, aluminium dans certains plats… Christophe Brusset, ancien trader dans l’industrie alimentaire, dénonce, dans son livre Vous êtes fous d’avaler ça ![fn]Ed. Flammarion, 2015, 19 euros. [/fn], ces pratiques qui donnent la nausée.

De son côté, après le scandale des lasagnes à la viande de cheval en 2013, l’association de consommateurs Ufc-Que Choisir a scruté les étiquettes de 244produits transformés de 20 marques. Le constat est accablant.

Au total, 54% des produits font l’impasse sur l’origine de la viande. Ainsi on ne saurait pas vraiment si les nuggets de poulet contiennent bien du poulet ou d’autre viandes… Le mieux est de bien lire les étiquettes. La liste doit être courte et claire. En effet, plus la liste est longue, plus le produit est douteux.

Aujourd’hui,certaines enseignes de la grande distribution s’engagent et jouent la carte du local, des produits « régionaux », du bio.  Et la réglementation avance. La France a voté la taxe soda en 2012 et l’a légèrement augmentée en 2016. Conséquence ? L’eau en bouteille ne s’est jamais aussi bien vendue.

Le gluten
Le « sans gluten » [fn]Cette protéine naturellement présente dans le blé, l’avoine, le seigle et l’orge donne à la pâte de l’élasticité et de la texture.[/fn] est à la mode. Les supermarchés proposent une multitude de produits, pains, biscuits, plats préparés, sauces… tous exempts de la protéine « assassine ». En fait, seulement «1% de la population est réellement intolérante au gluten (ceux qui sou rent de la maladie coeliaque [fn] Maladie qui provoque une inflammation de la muqueuse intestinale.[/fn]), » rappelle le PrBruno Bonaz,
gastro-entérologue au Chu de Grenoble. Pour les autres, inutile de se jeter sur les produits
sans gluten. D’autant que ces derniers ne sont pas meilleurs pour la santé que les produits
classiques. Car, à la place de la farine de blé, les fabricants emploient généralement des
émulsifi ants et des épaississants, de la fécule et des amidons. On peut limiter le gluten sans
l’exclure. Mais si vous souhaitez vraiment le supprimer, il est conseillé de consommer
d’autres céréales, riz, maïs ou sarrasin.

La viande
Faudrait-il bannir la viande ? Si l’on en croit la dernière étude du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), parue en octobre 2015, « la consommation excessive de charcuterie mais aussi probablement celle de viande rouge augmentent les risques de cancer du côlon ». Pourtant, les Français en consomment moins depuis une vingtaine d’années: en moyenne 370g par semaine (pour les adultes) et 270g de charcuterie. Mais l’Agence nationale de sécurité sanitaire recommande de ne pas dépasser les 500g en tout par semaine, par portion de 70 à 100g.
L’idée étant de varier les sources de protéines animales (oeufs, viandes, poissons) et d’alterner viandes rouge et blanche. Tout est donc affaire de proportion.

Les produits chimiques
Serions-nous condamnés à nous empoisonner à petit feu, à coups de pesticides, de métaux lourds et d’antibiotiques ? Les fruits et légumes contiennent presque tous des pesticides. Nous absorbons chaque jour des antibiotiques (dans les viandes surtout) qui nous rendent antibiorésistants.
Les métaux lourds (mercure, plomb…) présents dans certains poissons comporteraient un risque pour la santé.

La réglementation avance toutefois. La loi Detox [fn]Loi de janvier 2016, destinée à inciter les industriels à remplacer les substances chimiques les plus toxiques par d’autres moins dangereuses.[/fn]sera l’occasion de faire pression sur le secteur agroalimentaire pour qu’il produise des aliments de meilleure qualité nutritionnelle.
Mais en attendant, il y a urgence à modifier notre façon de nous alimenter.

Alors, on fait quoi ?

On relativise
Notre alimentation a beaucoup évolué. «Les empoisonnements alimentaires constituaient la seconde cause de mortalité au début du xxe siècle», explique Claude Fischler, sociologue spécialisé dans l’alimentation.
Les maladies comme la listériose et la salmonellose ont beaucoup diminué. Nous disposons de nombreux produits, variés.
A trop rationaliser notre alimentation, à trop diaboliser certains produits, à trop culpabiliser, on ne sait plus où on en est. La prévention n’atteindra sa cible que si elle applique des règles de bon sens.

On se fait plaisir

«L’attachement des Français aux repas, et notamment aux dîners, considérés comme des moments essentiels de la vie familiale, est ce qui contraste le plus avec le fonctionnement des Américains », remarque Claude Fischler. Pour preuve,
l’Unesco a inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2010 le « repas gastronomique des Français », un savant mélange de goûts, de saveurs, de plaisir et de convivialité. Car nous ne mangeons pas seulement des nutriments, des calories, des glucides ou des protides, « mais aussi, ajoute le nutritionniste Jean-Michel Lecerf, des souvenirs, des idées, des sensations… En cela nous ingérons avec tout notre corps ». Il n’y a pas de mauvais aliment, seuls les excès sont nocifs. La règle est donc la modération.