«Dans 5 ans, le cancer du pancréas sera le plus meurtrier derrière le cancer du poumon»

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Peu connu, le cancer du pancréas est pourtant aujourd’hui l’un des plus meurtriers. Il sera en 2020, la seconde cause de mortalité par cancer. Le point avec Christelle de la Fouchardière, oncologue, spécialiste des cancers digestifs au centre Léon Bérard de Lyon.

Le cancer du pancréas est en augmentation. En connaît-on les raisons ?

L’augmentation du nombre de cancers est probablement liée à un meilleur diagnostic. Il y a dix ans, les gens mourraient de jaunisse sans que l’on ait eu le temps d’en diagnostiquer la cause. L’incidence de ce cancer a donc, probablement, été longtemps très sous estimée. Certains facteurs de risques de ce cancer comme le tabagisme, la surcharge pondérale et l’obésité sont, aussi en augmentation.

On dit qu’il va devenir la deuxième cause de mortalité par cancer à l’horizon 2020.

En effet : ce cancer est aujourd’hui classé 4 ème en terme de mortalité (derrière le poumon, la prostate et le sein ) en raison de sa moins grande fréquence. Mais cela devrait changer car des progrès importants en terme de survie ont été réalisé dans le cancer du sein et de la prostate. Dans 5 ans, le cancer du pancréas sera le plus meurtrier derrière le cancer du poumon.

Est-il d’origine génétique ?

On estime à moins de 5 % les causes héréditaires dans ce type de cancer, mais lorsque c’est le cas, on constate la même anomalie génétique qui concerne la mutation du gène BRCA. Si bien que l’on constate souvent une association cancer du colon et pancréas, mélanome et pancréas, sein et pancréas. Comme dans tous les cancers, l’alimentation serait impliquée. Une nourriture trop calorique, trop grasse, comportant trop de viande, de friture ou de sel multiplierait le risque de cancer du pancréas par huit.

Peut on le dépister ?

Non, car le pancréas est un organe situé très profondément. Il n’existe pas à ce jour de biomarqueurs sanguins fiables. Le seul moyen de le détecter est le scanner. Or, on ne peut proposer systématiquement un scanner à toute la population. Lorsqu’on le découvre, il est la plupart du temps déjà à un stade avancé et se manifeste par des douleurs dans le ventre, l’apparition d’une jaunisse.

Pourquoi est t-il si difficile à traiter ?

C’est un cancer qui ne répond pas aux traitements chimiothérapeutiques. On a aussi du mal à mesurer l’efficacité de ce ces traitements car les malades lorsqu’ils sont déctectés sont déjà très affaiblis par la maladie et ne sont donc pas de très bons candidats à l’évaluation des effets cliniques.

Peut-on opérer ?

Dans moins de 20 % des cas et l’opération s’accompagne d’une chimiothérapie post-opératoire. Mais les rémissions s’accompagnent le plus souvent de rechute. On estime aujourd’hui, qu’à 5 ans, l’espérance de vie de ce cancer est de moins de 5 %.

Quelles sont les pistes de travail de la recherche ?

D’abord, d’avoir une meilleure connaissance de la maladie et en particulier de son environnement tumoral. Les tumeurs du pancréas sont entourées de tissus qui leur permettent d’être protégées des cellules qui stimulent l’immunité. Un axe important de recherche est de trouver un traitement qui permette un meilleur accès à la tumeur. Nous n’avons pas aujour’hui d’outils très efficaces. Il existe aussi tout un travail sur l’immunothérapie et la vaccination. Il s’agit de stimuler le système immunitaire pour lui permettre de mieux se défendre. Ces protocoles ne concernent aujourd’hui qu’un petit nombre de malades mais constituent un grand espoir.

Face au très faible taux de survie des malades, certaines familles s’interrogent sur l’intérêt d’une chimiothérapie. Qu’en pensez-vous ?

En matière de cancer du pancréas, on touche à un point essentiel. Ce qu’on l’on peut dire c’est que certes on ne peut pas guérir un cancer du pancréas mais que cependant  les chimiothérapies ont fait des progrès permettant d’améliorer non seulement la durée de vie du patient, même si elle reste très courte, mais surtout sa qualité de vie. Je parle bien sûr des malades en relatif bon état général. Pour eux, il est bénéfique de suivre un traitement. La question se pose en effet, pour des personnes très âgées, très dégradées, très dénutries. Une discussion s’avère alors nécessaire avec le malade, la famille et les équipes médicales pour définir la meilleure solution : chimiothérapie ou orientation en soins palliatifs.