Y a-t-il un scandale des dialyses en France ?

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Pour l’association Renaloo et le député Gérard Bapt, les dialyses sont toujours privilégiées en France au détriment des greffes favorables aux patients. En jeu, la rémunération des néphrologues qui tirent 83 % de leurs revenus des dialyses.

Fait-on trop de dialyses en France ? «Oui, estime, sans ambiguïté le député Gérard Bapt, et cela pour des raisons corporatistes et commerciales.»

L’activité des dialyses a aujourd’hui un taux de rentabilité de 11 % pour les cliniques privées. «En sachant que le nombre des dialysés augmente de 4 % par an, explique Yvanie Caillé, présidente de l’association Renaloo, c’est donc une un secteur très lucratif.»

Les néphrologues (spécialistes du rein) se classent aujourd’hui au troisième rang des professions médicales les mieux rémunérées, avec un revenu moyen de 136 000 euros par an, qu’ils tirent à 80 % de leur activité de dialyses, facturées 38 euros la séance. 

«Tout cela n’incite vraiment pas les professionnels à diriger leurs patients vers la greffe, déplore Gérad Bapt, qui vient d’envoyer une lettre ouverte à Marisol Touraine pour dénoncer la situation. Cette rentabilité excessive limite aussi la mise en œuvre de stratégies de prévention. »  « On constate aussi, ajoute Yvanie Caillé, que l’on met des patients en dialyse trop tôt, alors que la Haute autorité de santé estime qu’il faut attendre que le malade ait perdu 85 % des capacités de fonctionnement du rein.  »

En France, la dialyse reste toujours privilégiée par rapport à la greffe. Ainsi, en 2013, sur 10 000 nouveaux cas de personnes diagnostiquées, 87 % sont entrées en dialyse. Et sur les 76 000 Français actuellement en insuffisance rénale terminale, 42 000 sont dialysés et 34 000 transplantés, alors que les pays d’Europe du Nord, eux, atteignent des taux de greffe de l’ordre de 70 %. Les inégalités régionales sont également très importantes. Si certaines Régions comme la Franche-Comté et l’Ile-de-France encouragent la greffe, d’autres comme Pacac ou l’Aquitaine traînent des pieds. Les professionnels bénéficiant d’une « véritable rente de situation » n’inscrivent pas toujours leurs patients précocément sur la liste d’attente des receveurs d’organes, déplore Yvanie Caillé. « Or, il faudrait le faire avant même que le patient soit en dialyse. L’idéal étant que le malade puisse être greffé avant tout passage en dialyse. Il y a donc une perte de chance très importante des patients. »

La greffe : la meilleure des solutions

Certes, la greffe n’est pas toujours la panacée. Des rejets existent. Les greffons meurent aussi. On estime la durée moyenne de vie d’un greffon à quinze ans lorsqu’il provient d’un donneur décédé, à vingt ans quand il provient d’un donneur vivant. Il faut ensuite refaire une greffe ou entrer en dialyse.

Pourtant, lorsqu’elle est possible, la greffe offre aux patients une meilleure qualité de vie. Elle permet de conserver plus facilement un emploi. 53 % des greffés du rein de moins de 60 ans travaillent contre 17 % seulement des dialysés qui doivent se rendre 3 à 4 fois par semaine dans des centres pour une durée de 4 à 5 heures, s’astreindre à des régimes drastiques. Ingérable avec une activité professionnelle.

De plus, la greffe coûte considérablement moins cher. Quand une hémodialyse coûte 89 000 euros par an, une transplantation, elle, revient à 86 000 euros la première année et 20 000 euros, seulement,  les suivantes. Globalement, les malades du rein coûtent  4 milliards d’euros par an à l’assurance-maladie, 82 % pour les dialysés.

Manque-t-on de greffons ? 

Pour Yvanie Caillé, c’est un faux débat : « Ce n’est pas une fatalité. Il suffirait de développer le don du vivant, qui est en France de 15 % seulement, alors qu’il atteint 38 % au Royaume-Uni et 45 % en Suède. Il y a donc un potentiel de croissance extrêmement important. » Un programme pilote de prélèvement sur donneur dédédé suite à un arrêt cardiaque (jusqu’à aujourd’hui, seules les personnes décédées par mort encéphaliques étaient prélevées), a également été lancé en France. 5 équipes y travaillent. Et si seulement 15 donneurs ont, à ce jour, pu être prélevés, cette nouvelle possibilité devrait se développer. 

Si dialyse, pourquoi pas à domicile ?

De son côté, Gérard Bapt interpelle, dans sa lette ouverte la ministre, sur un autre sujet : « La Cour des comptes, dans son rapport de 2015, a consacré un chapitre à l’insuffisance rénale en France. La Cour a observé que, pour raison de meilleure rentabilité, la modalité la plus lourde de dialyse (en centre) est prépondérante dans la prise en charge, alors que certains patients pourraient être traités via des modalités favorisant l’autonomie, améliorant leur qualité de vie et leurs possibilités de se maintenir dans l’emploi. Notre pays est l’un des derniers en Europe pour la prise en charge par dialyse à domicile avec un taux de 5 % contre  20 à 25 % pour la Suède, les Pays-Bas et la Grande Bretagne.»

 

 
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